C, comme Cercle de Vienne

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Le Cercle de Vienne, c’est un groupe de penseurs qui se sont réunis dans les années 20, pour échanger – et dont Wittgenstein fut une des figures les plus marquantes (bon, oui, Popper, mais c’est mon billet, j’ai le droit d’avoir mon chouchou, bon).

C’est un prof d’épistémologie qui m’a fait découvrir le Cercle. Vous savez, un de ces profs inspirants dont la stature intellectuelle n’a d’égale que l’humanité débordante? Un de ceux-là. C’est aussi le prof qui dit qu’une bonne thèse, c’est une thèse terminée – mais je m’égare. Ce prof donc, a semé en nous le germe du Cercle de Vienne, l’idée de faire vivre les débats qui animent les séminaires à l’extérieur des salles de classe, pour continuer à confronter nos idées, à nourrir nos réflexions une fois que la scolarité serait terminée. « Nous », c’est mes collègues du doctorat et moi. Ceux avec qui j’aspire au titre de PhD.

Parce que le doctorat est, après la scolarité, un acte solitaire, nous avons copié l’idée du Cercle de Vienne, et décidé d’en faire quelque chose comme un acte solidaire. Nous nous sommes trouvés parce que nous partageons un certain amour du savoir, de la recherche, et bien entendu, de la gestion dans son sens le plus large – la conduite des hommes et l’administration des choses.

Nous partageons aussi une certaine vue de ce monde académique à la fois innovant, mais tellement rigide, avec ses rites de passage barbares, ses codes, ses mythes. Un univers en soi, que nous avons choisi d’investir à notre façon.

Nous sommes un groupe des plus hétérogènes : hommes et femmes, quelque part entre 24 et 52 ans, ingénieurs, sommelière, avocat, gestionnaires, enseignants. Animés par l’éthique, la prise de décision, l’innovation ou la RSE, dans les organisations sportives, culturelles, de santé, communautaires. Nous sommes français, québécois, canadiens, algériens, marocains. Nous sommes de Concordia, Ottawa, HEC, ESG-UQAM.

Nous nous connaissons peu en dehors des séminaires, mais pourtant nous connaissons les uns des autres une dimension à laquelle peu de gens de nos familles ont accès. En nous fréquentant dans des périodes de grande intensité où nos réflexions de doivent d’être aiguisées, nous avons eu accès à une dimension de l’être qui ne se dévoile qu’en de tels moments. Un endroit à l’intersection de la connaissance, de l’identité, de la culture et de l’espoir. Parce que pour articuler correctement des idées, il ne suffit pas d’avoir lu – encore faut-il que les idées résonnent en soi, trouvent un écho dans les valeurs et l’expérience personnelles, pour être incarnées et ainsi, transformées. C’est lorsque ces intersections se rencontrent que naissent les discussions les plus enrichissantes. Parce que même si je parle de Derrida et de Czarniawska, même quand je mobilise les théories les plus arides de Touraine et consort, c’est toujours un peu de moi, dont je parle.

Je ne sais pas ce qui adviendra de notre cercle de Vienne, façon Montréal 2014. Je ne sais pas qui d’entre nous mettra son doc sur la glace un an le temps de faire des enfants, qui suivra son amour au bout de la planète, qui choisira plutôt la consultation, qui se verra écraser par la pression, qui devra aller trouver ailleurs du beurre à mettre sur son pain.

Je sais par contre que, bien qu’il n’y aura jamais d’entrée Wikipedia en notre nom collectif, et si du Cercle de Vienne nous n’avons que l’inspiration, mais pas la prétention, nous avons trouvé le moyen de faire de ce passage ardu et aride un moment d’échange convivial, ressourçant, tant intellectuellement qu’humainement.

Et si mon doc devait se terminer parce que je n’aurais pas eu la note de passage à l’examen de synthèse, et bien il me restera ça. Eux. Qui m’ont appris plus sur la vie que tous les auteurs au programme ne le feront jamais.

 

D, comme Désenchantée

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Comme les modes, les générations changent de nom. La mienne* est X, et ma gang s’étend des trentenaires aux jeunes quinquas.  Une génération que certains disent sacrifiée – dès notre entrée au secondaire il était clair que le marché de l’emploi nous serait fermé, que nous nous endetterions pour étudier, et que les fonds de retraite seraient vides lorsque viendrait notre tour.

Bien entendu, ça a teinté notre rapport à la vie.  On a étudié longtemps, butinant d’un programme à l’autre, sans savoir se poser, avec comme seule certitude que la précarité serait notre lot.  On a ainsi atterri tard, professionnellement et personnellement – une fois la job trouvée, encore faut-il payer les prêts et bourses, alors bébé attendra – et la maison, ben tsé… la maison ?  On en a profité pour voyager un peu,  se faire des amis beaucoup. Et attendre, encore, que le climat soit favorable pour devenir permanent / partir en affaire / faire des enfants / investir… C’est pour toutes ces raisons que c’est la grande sociologue Mylène Farmer qui a trouvé le plus juste vocable pour notre génération : désenchantée. Comme dans désillusionnée, qui vit au présent, avec des rêves à l’avenant.

Nous n’avons pas la force du nombre des boomers, ni la confiance arrogante des Y.  Alors de petits combats en minuscules victoires, nous avons mollement lâché prise, nous concentrant sur la réalisation des quelques possibles encore à notre portée.

Individuellement, nous avons bien réussi, malgré tout.  Je regarde défiler mon fil Facebook, et mon cœur explose de bonheur quand Jean-François gagne un Gémeau de plus, que Nicolas s’illustre encore comme avocat à l’étranger, que Kim et Jean-François voient leurs recueils recevoir honneur après honneur, que Sylvain se fait élire, qu’Éric signe un nouveau livre. Comme beaucoup d’entre nous sommes déjà rendus à nos deuxièmes carrières, je vois Jean-Sébastien devenir un médecin réputé (en plus du pharmacien et du prof qu’il est), Fannie-Karine-Sonia-Stéphane faire des doctorats après des premières carrières bien remplies, Sheila et  Philippe devenir travailleurs autonomes… Nous avons 35, 40, 45 ans, et nos enfants sont encore petits, nos hypothèques si peu réduites, nos prêts et bourses à peine remboursés.

Individuellement, nous sommes bons. Collectivement, nous le sommes beaucoup moins. Nous avons appris à lâcher prise, donc, partout, mais surtout quand il est question du politique.  Pourtant. J’appartiens à une famille de militants qui a été très active au début des années 90, et qui s’est désagrégée, les combats contre le quotidien prenant toute la place. Résultat, 20 ans plus tard, la présence de la génération X au Parti Québécois est anecdotique.  Oui, il y a bien ce député, ce chef de cabinet, et ce directeur de la permanence.  Mais les forces vives de notre génération, celles qui ont donné le meilleur d’elles-mêmes lors des luttes pour la langue des années 90, du référendum de  Charlottetown, de la réforme des cégeps, de l’élection du Bloc, puis du PQ, et surtout, du référendum de 95 – où se sont-elles épuisées ?

Aller dans un évènement du PQ, c’est voir une salle composée de têtes blanches, et de jeunes militants en tailleur/complet qui nous rappellent cruellement qu’hier, c’était nous, et que nos têtes commencent à grisonner.  Mais surtout, c’est de constater que les 35-50 ne sont pas là – ou si peu, alors que nous sommes dans la force de l’âge, que nous devrions être partout.

Or, forcés qu’ils l’ont été à se replier dans la sphère de l’intime, ils ont réussis, les X. Ils seraient prêts, j’en suis certaine, à reprendre le flambeau. Mais on ne les appelle pas sous les drapeaux.  Le triste résultat est que la Génération X n’a jamais aussi bien porté son nom : d’une part elle est absente, et de l’autre on ne fait appel à elle que pour le mettre, le x, à la bonne place, au jour J.  Malheureusement, ce qu’offrent les partis ‘traditionnels’ ne répond en rien à leurs aspirations – parce qu’ils ne sont pas ceux qui créent les mouvements au sein des partis, ou parce que personne ne les écoute **.

Tout est dans tout, disait le poète.  À force de squeezer une génération entre ses aînés défonceurs de portes et ses cadets technoséduisants, on l’a réduit à peau de chagrin.  On ne peut pas s’étonner maintenant qu’elle soit désenchantée. Mais tsé, je suis une éternelle optimiste, et j’ai confiance en nous. Après tout, comme le disait Miron, « ça ne pourra pas toujours ne pas arriver ».

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* Chu pas sociologue. Ce dont je parle, c’est ma perception de ma réalité. C’est tout.

** Personne, sauf la CAQ. Qui a un nombre impressionnant de X dans ses événements Ça me brise de dire ça. Mais si je veux être honnête et garder le peu de crédibilité que j’ai, j’ai pas le choix.

G, comme Grilled cheese

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Le jeudi, vous allez prendre un verre au Furco, parce qu’on peut y prendre une bouchée digne de ce nom. Aller sur la Rive-Sud n’est plus le calvaire que c’était – mal pris, on peut toujours aller casser la croûte chez Lionel, et dire bonjour à Ian. Il y a quelques années, vous connaissiez Ferran par son petit nom – mais vos amis vous disent que elBulli, c’est tellement 2010 – maintenant c’est le Noma.

Pas de doute, vous êtes un gastronome.

Votre Facebook en témoigne : vos photos de plats plus spectaculaires les uns que les  autres, tout en restant santé, sont accompagnées de commentaire du genre « on improvise un repas! » (72700px-Facebook_like_thumb) « À la bonne franquette » (102 700px-Facebook_like_thumb) « Tant qu’à manger, aussi bien que ce soit bon » (43700px-Facebook_like_thumb). Simple et chic.

Après tout, on mange parce qu’on le doit bien et parce que c’est si bon. Vous êtes passée maître dans l’art de marier le bon et le bien : le kale n’a plus de secret pour vous, le yuzu non plus. Pourtant le mardi, en faisant vos sandwiches au foie gras pour le lunch du lendemain, quand vous revenez du marché du quartier, vous vous faites un grilled cheese. Deux tranches de pain blanc, tartinées de margarine d’un côté seulement, deux tranches de fromage orange qui se chevauchent pour bien remplir l’espace. Une poêle chaude mais pas trop, puishhh, jusqu’à ce que le pain s’écrapoute tout seul, dans une belle couleur dorée. Rien à instagrammer à sa mère.

Vous avez pourtant soupé. Ce n’est pas la faim. Le mastique orange ne compétitionne en rien votre traiteur préféré.

Mais aujourd’hui au bureau, le stress était à son comble. Les délais à respecter, les clients jamais contents, la voisine de bureau qui parle tellement trop, votre boss incompétent, la pile qui ne descend jamais. Ce soir avec les copines, l’impression d’être à 1000 km de leur réalité, d’être seule au milieu de la foule. De retour à la maison, un message sur la boite vocale, encore celui que vous ne savez pas comment ne pas rappeler.

Alors le grilled cheese. Vous n’avez plus faim, mais vous vous sentez drôlement seule. Et pis le grilled cheese, c’est l’aliment doudou – pas une madeleine mais pas loin. Votre grilled cheese, c’est pas l’estomac qu’il nourrit, c’est l’âme.

Vous mangez parce qu’il fait vide dans votre vie.   Le grilled cheese, ou un gâteau Vachon (ou une deuxième assiette chez des amis, pour masquer la gêne ; quelques heures de plus au bureau pour descendre la pile everestienne ; un troisième verre de vin, pour vous donner contenance ; un dernier tour sur Twitter, pour être certaine de n’avoir rien manqué; un km de jogging de plus, pour épuiser le hamster…).

Votre relation à l’alimentation est pourtant saine ! Vous connaissez tous les nouvelles tendances et pouvez débiter par cœur le nombre de calories contenues dans un Loblaws. Vous trouvez que vous avez quelques livres en trop mais tout le monde vous dit le contraire. Vous aimez les aliments du terroir, quand vous cuisinez, vous respectez le produit, vous mettez du chia dans vos smoothies. Tsé.

Pourtant, les soirs un peu gris, même en sortant de table, il y a l’appel du grilled cheese.

Et un jour, après une enième tentative ratée de trouver ze robe noire, vous n’en pouvez plus de ces kilos en trop. Un jour, vous faites un régime. Vous coupez tout parce que faire la part des choses, c’est pas votre fort. Moins de 1000 calories par jour. Un mal de tête persistant. Des vertiges quand on se lève trop vite. Quelques kilos plus tard, vous croisez une amie pas vue depuis longtemps, qui vous lance un « Tu as fondu ! Que tu es belle! ».

Vous avez envie de lui dire que vous avez la gorge et l’estomac noués par la privation depuis des semaines, mais votre égo en compote vous hurle que vous êtes dans la bonne direction, qu’il vous faut perdre encore plus de ces livres qui vous séparent du bonheur. Vous redoublez d’application : après tout vous connaissez l’alimentation comme personne.

La nourriture n’est plus le loisir créatif qu’elle était, mais un adversaire à contrôler. Et là-dedans, vous êtes drôlement bonne. Bien entendu, vous devez cesser les 5 à 7 avec les copines et les lunchs avec les clients, les soirées fondue et les bulles du vendredi. Mais le bonheur, ça n’a pas prix.

Alors…

Alors rien. Le miracle n’arrive pas. La petite robe noire est toujours trop petite même deux tailles en-dessous, le prince charmant ne sonne pas à votre porte, vous ne grandissez pas de cinq centimètres, votre passé vous suit encore et votre sens de la répartie n’est pas subitement proportionnel à votre perte de poids. Le trou au fond du cœur est encore là, lui.

Faque un soir, vous en avez ras-le-pompon. Vous rentrez à la maison. Vous faites valser les pots de protéine en poudre, de coupe-faim, vous déchirez l’image de la pin-up sensée vous inspirer sur le frigidaire. Vous prenez le téléphone, vous appelez votre best pour lui dire que vraiment, vous filez un mauvais coton. Vous déballez votre sac : votre sentiment d’imposteur à la job, la carrière que vous auriez aimé avoir et qui n’arrive jamais, l’amour qui vous fuit toujours entre les doigts, les idéaux qui se fanent, les vieilles blessures qui suintent toujours, les 10 livres et 10 ans de trop, le vide que vous essayez de remplir à coup de carré d’agneau et de Pinot gris. Vous balancez tout.

Après une heure d’un monologue où le silence de l’autre n’est que bienveillance, vous avez faim. Pas dans le cœur, mais dans le ventre.

Enfin.

Le cœur léger, vous vous faites un grilled cheese.

 

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P.s. : Ce n’est pas moi, cette fille-là – mais enfin si, un peu. Et c’est vous aussi, beaucoup – au féminin comme au masculin. Les photos de bouffe se font rares depuis quelques temps sur ma page FB, et ça restera ainsi. Parce que le fun, c’est de partager un repas avec des amis. Développer une relation saine avec la nourriture (ou le travail, l’amour, l’alcool…) passe par nourrir son âme d’amour, de tendresse, d’amitié et surtout, de bienveillance, face à soi-même et aux autres. Oublions ce qu’il y a sur la table pour ce concentrer sur qui est autour. Si ce n’est pas votre cas, et que vous pensez trop au contenu de l’assiette, ne restez pas seul(e) avec votre détresse. Appellez votre best, ou consultez un spécialiste, pour que les grilled cheese recommencent à goûter le bonheur.

P.p.s. : C’est ça qui m’a donné envie de vous partager ce billet, qui était prévu pour plus tard.

 

Olives et compagnie.

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Quoi de mieux pour accompagner la sangria qu’un bol d’olives parfumées ?

Ingrédients:

Olives kalamata noires
Huile d’olive
Vinaigre balsamique
Ail ou fleur d’ail
Quelques brins de romarins

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Préparation:

Rincez les olives à fond. Déposez-les dans un bol allant au micro-ondes et ajoutez l’ail, le romarin et quelques gouttes de vinaigre balsamique.  Mélangez, ajoutez un filet d’huile et chauffez-les au micro-ondes de quelques secondes à une minute selon la puissance de votre four.

Servir tiède. Se garde au réfrigérateur très longtemps !

Variante:

Des amandes effilées font merveille dans ces olives !

Trucs:

Conservez la marinade, et réutilisez-la d’une fois à l’autre, ou servez-vous en comme base de vinaigrette ou comme marinade pour de l’agneau (en ajoutant un filet de sirop d’érable).

Soupe à l’avocat

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Il fait chaud, vite une soupe ! Froide, bien entendu.

Ingrédients:

Pour 4 portions en entrée.

2 tomates mûres
1 avocat
1/2 gousse d’ail
1/2 concombre anglais
1 tasse d’eau (250 ml)
Jus de citron (un jet)
1/4 cuillère à thé de sauce de piment fort
Sel, poivre, cumin

Préparation:

Dans un bol à mélanger, écrasez l’avocat à la fourchette et citronnez-le.  Hachez l’ail ; pelez le concombre et coupez-le en gros morceau ; enlevez le coeur des tomates et coupez-les en gros morceaux.  Ajoutez tomates, concombre et ail à l’avocat.

Ajoutez l’eau, le cumin et la sauce de piment et passez le pied-mélangeur (ou passez au robot, ou au mélangeur).

Salez généreusement, poivrez, et servir !

Variantes:

–  Servez avec une salsa de mangues, poivrons rouges et concombre;
–  Ajoutez des herbes : coriandre, basilic ou origan;
–  Remplacez l’eau par du bouillon.

D, comme distance sociale pas plate.

Faque tu es confiné chez toi ? Tu télétravailles pendant que ta progéniture tourne en rond ?

Voici plein d’idées pour te détendre (parce que le vino à 10 h am, c’est non), pis pour les occuper (parce que t’es tanné de les voir tiktoker).

 

  • Le cinoche c’est cool, mais Netflix, ça fait son temps. Tu peux essayer Tou.tv qui, on l’oublie, nous offre plein de films. Tu peux en profiter pour t’abonner à Criterion, une plateforme axée sur le cinéma d’auteurs. Tu peux SURTOUT profiter du travail des autres (ben là, c’est une situation de crise !) pis chercher ton bonheur dans la recension faite par OpenCulture. Pis si jamais tu n’y trouves rien (impossible. Mais on sait jamais), il y a Télé-Québec qui a une programmation spéciale, pis plein de trucs en ligne.

 

  • Ce n’est pas encore du cinéma assez pointu pour toi ? T’es toff, mais j’suis là pour ça. Tu peux aller voir les 10 films de Regard, le festival international (annulé) des courts métrages du Saguenay, que La Fabrique t’offre.  Le Festival International des films sur l’art offre aussi sa programmation en ligne – mais ça, ça coûte 30 $ sauf le film d’ouverture qui est gratuit. Va liker leur page Facebook, toutes les infos seront là dès mardi.

 

  • Tu préfères la lecture ? Tu veux faire découvrir les classiques à tes flos ? La bibliothèque des Classiques de l’UQAC est un puit sans fond de bonheur. La BAnQ est aussi assez bien garnie merci, on a tendance à l’oublier. Y’a aussi Radio-Can qui met à la disposition des canadiens from coast to coast plein de livres audio – si tu profites de ta quatorzaine pour t’entrainer, tsé, ça peut t’accompagner.

 

  • Pour l’opéra, c’est au Met qu’il faut (virtuellement) aller, pour écouter notre Nézet-Séguin national diriger Carmen et consorts. Tu en trouveras aussi le site de Ici Musique, avec plein de belles choses à écouter, des albums intégraux ou des playlists. Tu peux même trouver des spectacles de Coldplay… sur Instagram, merci à Together, at home ! Sinon, tu te rabats avec joie sur l’OSM.

 

 

  • Pis comme faut bouger un peu, je te laisse la page du Studio Party Time (allô les Grosses Poires Noires qui se reconnaitront !), qui donne des cours de danse urbaine chaque jour sur sa page Facebook.

 

 

 

 

 

  • J’allais oublier: comment ne pas vous suggérer d’écouter pour une rare fois en rediffusion le « En direct de l’univers » de Jean-Sébastien Girard ?

 

Faque c’est ça. On reste che’nous, on travaille comme un peu (allô l’Internet en région), on se cultive un peu… Je sais pas chez vous, mais je sens que ma maison sera propre comme jamais – effet collatéral positif. Faut ben qu’y’en ait un.

(je mettrai cette liste à jour régulièrement. Envoyez-moi vos trouvailles ! Merci Amada pour ton input.)

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AJOUT :

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D, comme Didi

J’ai connu Diane Lauzon en 1995. Jeune employée au Cabinet du Premier ministre, on m’avait assigné, durant la campagne référendaire, à la logistique des tournées. Avec Diane et Marie-Claude, j’ai passé là les semaines les plus intenses de ma vie. Les horaires d’autobus, les chambres d’hôtel et les repas pour la caravane – qui sont devenus les caravanes – c’était nous. Le calcul des coûts du Love-In, c’était nous aussi. Et se débrouiller avec des autobus détournés* par les journalistes, c’était encore nous… Mais avoir l’idée de faire construire une rampe télescopique sur mesure pour faciliter les déplacements de M. Bouchard, ça, c’était elle.

J’avais 21 ans, étais passionnée de politique, mais ne connaissais rien en organisation d’événements. Diane a tout de suite eu confiance en moi, et m’a tout appris – du fonctionnement d’un Mac à la confection de scénario.

Nos chemins se sont recroisés deux ans plus tard. Le temps de quelques semaines, nous avons travaillé à l’organisation logistique de la première mission économique du nouveau gouvernement, dans d’anonymes bureaux du centre-ville de Montréal. Puis ce fut la Chine, trois semaines aussi éreintantes qu’enlevantes. Avec Anne Marcotte et les autres, nous travaillions de beaucoup trop tôt le matin à beaucoup trop tard le soir – ne comptant ni les heures, ni les cafés, ni les cigarettes. À la fin du séjour, André Bérard était joyeusement surpris « que nos guenilles se soient toujours rendues à la bonne place en même temps que nous autres ».

L’année suivante, rebelote pour les tournées. Je travaillais depuis un an à la rétroinformation, et une bataille épique a eu lieu sur mon cas – tournée ou relations de presse ? J’ai fait les frais de cette guerre d’égos, et perdu mon emploi après la réélection du Parti Québécois. Diane veillant au grain, elle m’a offert de travailler au Festival du Canard avec elle et Jacques Ouimette – une expérience gastronomique qui m’a confirmé que je voulais faire ce métier. C’est là qu’elle m’a appris à marquer un site, et à utiliser une base de Walkie-talkie, et à être polyvalente.

Après, la vie et le temps nous ont séparées.

On s’est recroisées en 2007, le temps d’une autre campagne électorale. Elle à l’affichage, moi aux relations de presse, nous nous demandions toutes les deux ce qu’on était venues faire dans cette galère…

Puis, je suis retournée sur les bancs d’école, à HEC, où je l’ai retrouvée avec bonheur. À la collation des grades où j’ai reçu mon certificat, on lisait dans les yeux de l’autre que nous, on aurait géré ça autrement, c’te cérémonie-là.

On ne se voyait pas souvent – différents pavillons, différents horaires – mais c’était toujours un plaisir d’aller la voir dans son bureau, d’aller fumer une clope dehors, de diner à la cafétéria, de voir se dessiner son projet d’auberge, de le voir passer du Costa Rica au Nicaragua, de suivre les préparatifs. Et ce qu’elle était fière quand je lui ai annoncé mon admission au doctorat – assez pour vouloir en parler avec Jaques Nantel, alors secrétaire. C’est tout de suite après qu’elle a pris sa retraite de HEC – je l’ai encore suivi, prenant ma retraite des études.

Par messenger interposé, je suivais son projet au Nica, l’emballement des débuts, puis les déboires et déceptions qui sont venus.

Elle me suivait aussi professionnellement, et la conférence qu’elle a donnée à mes étudiants en coordination d’événements reste parmi les meilleures auxquelles ils ont assistées. Une présentation claire, articulée, organisée, qui fait un tour à 360 degrés des éléments à prendre en considération et à mettre en place quand on organise un événement. Une classe de maître, en 45 minutes.

L’hiver dernier, elle devait discuter avec mon nouveau groupe.

En février, elle a annulé sa présence.

Son dernier message, daté de mars et où elle me disait la maladie, les bons soins reçus, la chimio, les médecins disponibles, le soutien et la tendresse de Walter, se terminait par ces mots : « Désolée et gros bisous, Fabienne d’amour. Tendresses, Diane ».

C’était là mon amie, qui a diminué sa maladie, qui s’excusait de ne pas s’adresser à mes étudiants, qui recevait avec chaleur mes souhaits, mais tenait à ce qu’on n’ébruite pas la nouvelle.

C’était là ma mentore, qui s’effaçait pour laisser la place aux fleurs qu’elle lançait à son équipe soignante et à son amoureux.

Je ne lui ai pas parlé depuis. Par manque de temps, peut-être, par manque de courage aussi, mais par déni, surtout. Elle allait s’en sortir, c’était une battante…

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Alors voilà.

En fin de semaine, j’ai appris le décès de Diane Lauzon, survenu à la fin de l’été. En fin de semaine, j’ai perdu ma mentore et mon amie.

Merci, Diane, d’avoir été la femme rigoureuse et généreuse que tu étais. Merci de m’avoir appris mon métier. Merci de m’avoir montré que l’amour peut arriver à tout âge. Que de vivre ses rêves, malgré les embûches, vaut toujours le coup. Merci d’avoir été là, tout au long de ma vie, à deux pas distance, me tenant par la main.

Merci d’avoir cru en moi.

J’espère qu’elle n’a pas eu mal. J’espère qu’elle n’a pas eu peur. J’espère qu’elle était entourée, aimée, soutenue – même si je n’en doute pas. Je regrette mon absence des derniers mois, et la regretterai toujours.

Chaque fois que je passerai devant une bouteille de Johnnie Walker Red Label ou un chèvre chaud ; que je verrai un document Excel bien monté ou un chiot Mira en apprentissage, je penserai à elle, et tâcherai de colmater l’immense brèche qui s’est creusée en moi.

Je me console toutefois en me disant que s’il existe quelque chose comme un après, elle a revêtu une jolie robe bohémienne, et danse dans les bras de son beau Dominique.

… et qu’en ce moment même, elle est en train de corriger mes fautes d’orthographe.

On se revoit un jour, ma belle Didi. Et y’a ça de bien que quand on va débarquer, ça va être drôlement bien organisé, pis ça niaisera pas à l’inscription.

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Je vous laisse avec une chanson d’Alain Bashung, qu’elle avait essayé en vain de me faire aimer. Il a fallu Bleu Pétrole et une série à Radio-Can pour que j’apprécie son talent.

Je vous laisse aussi avec un souhait en forme d’injonction : la vie, c’est maintenant.

 

 

*Tout à coup, suivre Mario Dumont semblait plus intéressant que de se plier à l’horaire planifié.

D, comme démocratie.

Je suis issue d’une lignée militante. Ma grand-mère dans les JOC, mon grand-père à l’origine de l’Alliance des professeurs de Montréal, mes parents au RIN – puis ma mère au RCM, au Parti Vert, au PQ…

J’ai fréquenté l’école secondaire à l’heure des grands déchirements constitutionnels et des débats sur la place du français dans l’espace public. La fin de semaine, nous, on manifestait.

C’est en 1993 que je suis entrée en militance, tout juste après Charlottetown, à temps pour la première élection du Bloc Québécois. Puis ça a été septembre 1994 et l’élection du PQ, le référendum de 1995, le Bloc en 1997… Jusqu’au début des années 2000, j’ai donné le plus clair de mon temps et des mes énergies à de grandes causes.

Puis la vie a passée.

Si je crois encore que mon coin de pays a tout ce qu’il faut pour assumer lui-même son destin, si l’originalité et la singularité de sa culture ne font pas de doute, je crois un peu moins en son émancipation politique.

Parce que je crois de moins en moins en ceux qui portent ce projet.

Parce que je crois de moins en la politique partisane.

Je ne suis pas défaitiste pour autant. Je crois de plus en plus, et ce depuis des années, à une action politique qui s’inscrit dans ces gestes de micro-citoyenneté qui sont partout : les comités de parents, les groupes communautaires… Mais aussi, cette citoyenneté qui s’inscrit dans toutes ces actions spontanées ou semi-organisées, souvent adhoc, qui façonnent nos paysages : les croque-livres, les ruelles vertes, les comités d’accueils… les campagnes de socio-financement autour d’événements locaux… Et même, ces communautés qui se tissent autour de valeurs fortes : le zéro-déchet, la remise en forme, le végétarisme…

Bref, je crois que notre façon d’être au monde et d’agir sur lui a changée. Partout, les centres d’action se sont déplacés, le militant à laissé sa place au citoyen. Nous en avons tous, consciemment ou pas, pris acte.

Tous, sauf les institutions politiques qui, encore aujourd’hui, nous servent d’institutions démocratiques.

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Mes convictions n’ont pas beaucoup changé depuis ce jour de juin 1993 où, alors que Kim Campbell était couronnée chef du Parti Conservateur, je devenais présidente des jeunes péquistes de l’Estrie. Je suis toujours autant émue par la solidarité sociale, je tiens autant à tendre la main à mon prochain, qu’il soit d’ici ou d’ailleurs, je suis toujours aussi attachée à mon coin de pays, et je veux encore plus qu’avant protéger ma planète.

Si mes valeurs n’ont pas changé, ma façon de les exprimer, elle, a changée. Parce que c’est dans l’air du temps, je le fais hyper-localement, en changeant de voiture, en souscrivant à une campagne de socio-financement pour une amie que le sort a frappé, en encourageant mon orchestre local, en m’engageant bénévolement pour la promotion de la sécurité nautique.

Bien entendu, si je peux manifester ainsi ce qui est important pour moi, c’est que la structure sociale le permet – une structure sociale mise en place au fil des ans grâce au travail d’hommes et de femmes qui ont eu des idées, les ont mises de l’avant, les ont incarnées, puis implantées.

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Aujourd’hui, ce sont les élections.

Parce que je viens d’une longue lignée de militants, parce que je reconnais tout le travail fait avant l’avènement de ma petite personne, et parce que je sais que de ce labeur est née la liberté que j’ai aujourd’hui d’exprimer mes valeurs comme je le sens, je suis allée voter.

Mais parce que notre façon d’être au monde et d’agir sur lui a changé, je suis allée voter la mort dans l’âme. Si cela avait eu un quelconque poids, j’aurais annulé mon vote.

Je ne pouvais pas.

Alors parce que je dans ma pratique de ma citoyenneté, je fais tous les jours des actions pour sauver la planète, aller vers l’autre et renforcer les solidarités, j’ai voté Québec Solidaire.

J’espère que c’est la dernière fois que je vote la mort dans l’âme.  J’espère que la prochaine fois, le vote blanc comptera ; qu’une part de proportionnelle sera mise en place ; que la politique sortira des partis ; qu’on recommencera à nous présenter des projets plutôt que des mesures.

Je m’en retourne préparer mes cours – j’ai le monde à changer, moi, et ça se fait une petite action à la fois.

Allez voter. Même la mort dans l’âme. Pour qu’un jour, on recommence à voter la tête haute.

P, comme Pèlerin(s)

En juillet 2000, Fred se marie à Bonaventure, dans la Baie des Chaleurs. Fred, c’est un ami depuis la campagne électorale de 1993, cet automne où l’on se réveillait sur « Déjeuner en paix» quand on avait besoin de jeunes pour faire cute devant les kodaks. Durant cette campagne, la première d’une longue série, j’ai rencontré des gens qui au-delà de l’engagement politique, resteraient dans ma vie, pour la vie.

Aller en Gaspésie en ce bel été, c’était l’occasion de célébrer un mariage – qui durera trois jours ! – mais aussi de retrouver mes amis militants. En plus de Fred il y aura bien entendu Sylvie, ma best et partenaire de pancarte, puis Lou, notre chansonnier bien-aimé. Manquera Isis, partie en Europe voir si elle y est. Il y aura aussi tous les autres, que je voisinais dans les corridors de congrès depuis toujours, sans trop les connaître – dont Stéphane, qui croisera ce week-end-là l’existence de Sylvie, pour le meilleur.

La fin de semaine a tenu ses promesses, les militants que nous étions ont joyeusement mélangé l’amour, l’amitié et la politique – bref, un concentré de la vie, comme elle l’était aux temps de l’engagement social. Époque formidable où nous pratiquions  le militantisme comme un pèlerinage, en quête de cet absolu qui, par essence, n’arrivera jamais – mais pour lequel on donne tout. Cette période bénie pour les militants que nous étions, nous la vivions à plein, dans une certaine effervescence sociale qui, sauf pour le sursaut en forme de carré rouge de 2012, semble s’être depuis affadie.

Au retour de ce mariage, donc, quelque part sur la 132, un peu après Rivière-du-Loup, mais avant Kamouraska, mon conducteur me pointe des îles au large, dont le profil laisse deviner un homme couché sur le dos, les mains croisées sur la poitrine. Ce sont Les Pèlerins, un archipel de cinq îlets qui s’étend sur plusieurs kilomètres. Après le tumulte du week-end, après des années de frénésie politique, cette vision d’un pèlerin assoupi était apaisante. Rassurante. Comme l’idée qu’au bout de cette folle route, il y aurait, pour nous aussi, le repos du guerrier.

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Je n’ai redécouvert que récemment Les Pèlerins. C’est à la voile, à bord de la Grande Ourse, que j’ai longé au début du mois ces îles de beauté, dont l’origine du nom se perd.

Un pèlerin, c’est au sens propre une personne qui se donne comme défi, parfois comme la mission d’une vie, de partir à pied vers des lieux d’élévation de l’âme. Le pèlerinage est tant ce sport extrême de la lenteur et de l’intériorité obligé par la marche solitaire, que le chemin parcouru, menant vers un lieu saint – ou pas.

Partir avec six autres personnes durant cinq jours sur un voilier de 37 pieds relève du pèlerinage. La voile étant le moyen le plus lent de n’aller nulle part, un voilier rétrécissant chaque jour, le voyage intérieur se doit d’être riche si on souhaite l’expérience joyeuse. Voguant de l’île du Brandy Pot à Rivière-du-Loup, de la baie Coquarts à l’Île Verte, partageant les journées avec ces humains extraordinaires – mais que je n’avais pas choisis – le voyage sur le St-Laurent nous fait sentir un peu comme le pèlerin  :

 Expatrié ou exilé ;  partout étranger, inconnu des hommes.

En pérégrination d’îles en îles, j’apprends la lenteur du vent et la musique des voiles, en me gavant de la beauté des îles. En compagnie d’un pilote d’avion, d’un géographe, de deux chercheuses en neurosciences, d’un entrepreneur-musicien et d’un capitaine, j’ai passé cinq jours fabuleux, arpentant le fleuve et le fjord, apprenant de la voile autant que de la nature – humaine et naturelle. Cinq jours loin de l’agitation de la vie sur terre, cinq jours à des années-lumière de ma vie d’avant, l’incandescente, la fervente, l’engagée. Cinq jours de marche lente sur les eaux. Cinq jours durant lesquels j’ai renouvelé mes vœux avec le vent, cinq jours pour me confirmer qu’un bateau qui gîte sera toujours plus stable qu’une vie qui tangue.

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Alors voilà.

Les époux de Bonaventure sont divorcés depuis nombre d’années – Fred est remarié, ne joue plus de la politique, vit à plein sa vie de famille. Sylvie donne toujours dans l’action sociale, autrement, autre part, et parcourt la vie avec Stéphane et leur meute. L’ami qui m’a fait découvrir Les Pèlerins vit face à l’île Verte, à un jet de baleine. Je crois que lui aussi a abandonné la politique – ou que la politique l’a abandonné, je ne sais trop.

Quant à moi, malgré quelques sursauts, j’ai rangé mon arsenal de militante depuis longtemps. J’ai choisi une autre voie, pour que porte ma voix – celle de la recherche et de l’enseignement.

N’empêche.

Couchée sur un sac de voiles dans le cockpit de la Grande Ourse en mouillage aux îles Pèlerins, en assurant mon quart de veille sous la voûte étoilée, j’écoute le chant des loups de mer en regardant les lumières scintiller d’une rive à l’autre du Saint-Laurent. Elles me rappellent qu’il y a une vie qui m’attend ailleurs qu’en cet ermitage, fort éloignée de celle à bord.

Une vie dans laquelle j’ai l’intention de reprendre mon bâton de pèlerin, pour retourner au front, dans une bataille toute différente de celles que j’ai connues avant. Ces bélugas qui jouaient dans le fjord, ces rorquals venus en reconnaissance tout près, ces phoques qui se font chauffer au soleil et sortent leur tête mutine de l’eau tout près du tableau, comme une invitation au jeu… Ces cormorans, ces goélands, cette méduse à la marina, même. Ces îles, ces littoraux. Toute cette vie qui palpite dans l’artère vitale qu’est le fleuve ; toute cette beauté forte, et belle, et riche, et fragile, et tellement vulnérable mérite, nécessite, appelle, commande que l’on se batte pour elle, que l’on reprenne nos pérégrinations en son nom.

Parce que le faire pour elle, c’est le faire beaucoup pour nous.

Pour la suite du monde.

 

(chanson écrite par Fred Pellerin. Parce que je suis raccord. Ou pas. Et parce qu’au mouillage des Pèlerins, tout était silence)

V, comme voile

Comme tous les Montréalais, je suis insulaire ; contrairement à beaucoup de montréalais, je ne l’ai jamais oublié. J’ai passé les premières années de ma vie à quelques coups de brasse du fleuve, à entendre les cornes de brume fendre la nuit. Puis, il y eut Sherbrooke et ses deux rivières, Québec où le fleuve s’étire, l’ile Ste-Thérèse dans le Richelieu, la petite maison de la rivière aux Vaches, et depuis quelques années, ma toute personnelle rive de la Saint-François.

Malgré tout, je n’ai jamais été de type nautique. Bien sûr, il y a eu les cours de natation, avec des velléités de devenir sauveteure à l’adolescence. Il y eut de nombreux week-ends dans une chaloupe, à se remettre de la veille plus qu’à pêcher. Il y eut même un bateau dans la cour de mon duplex, pour explorer les iles autour de Montréal. Il y a aussi eu le Damabiah, ce voilier que Mireille et Joël ont restauré avec amour et patience, à bord duquel ils découvrent depuis les camaïeux des eaux bleues – ce même Damabiah dont j’ai gardé un boulon, que je porte en pendentif depuis sa mise à l’eau, au millénaire dernier.

Mais la voile pour moi ? Non, merci, j’ai une montagne à gravir. Plutôt genre mollet groundé que pied marin.

Ça, c’était avant juin 2016, avant mon premier séjour à bord d’un voilier. Quelque chose comme un coup de foudre indolent. Quelque chose comme de savoir, intuitivement, que le reste de ma vie sera, le plus possible, fait de ça.

J’ai tenté de comprendre pourquoi la voile m’a ainsi happée, complètement.

Peut-être parce que c’est une communion du corps et de l’esprit. Quand je fais de la voile je n’ai pas le temps de me dire que je suis tellement pas ça, et beaucoup trop ci. Pas le temps non plus de me demander ce qui agite Twitter, ce qui casse Facebook. La voile me permet d’occuper mon corps assez pour ne pas avoir le temps de le juger, tout en ayant l’esprit qui tourne assez pour éjecter le hamster de sa roue – et tout ça, en faisant ce que je préfère au monde: jouer dehors. Être ailleurs du corps et de l’esprit permet, paradoxalement, d’être présent à soi comme jamais.

Peut-être aussi que j’aime la voile parce que c’est une certaine métaphore de la vie. Il y a un peu de théorie, pas mal de pratique, et beaucoup d’essais / erreurs. On peut apprendre par soi-même, s’instruire par les livres, ou être guidé et bénéficier de l’expérience des autres. On doit étudier les routes à suivre, soupeser les diverses options, être prêts à changer ses plans pour une météo défavorable. Faut avoir le bon équipement, être prêt à réagir aux vents contraires. On doit choisir avec soin ses équipiers parce que, par gros temps, mieux vaut pouvoir compter les uns sur les autres. Comme dans la vie, peu importe ce qu’on croit avoir appris, ce sera toujours la mer qui aura le dernier mot et au final, il ne restera de l’aventure que l’expérience vécue.

Peut-être aussi que j’aime la voile parce que l’ethnologue en moi aborde un nouveau continent, loin de la terre. C’est un univers avec ses codes propres, avec ses héros, ses mythes, ses rites, son territoire. Avec sa langue, surtout, hermétique aux non initiés, qui chante à mes oreilles. Il y a quelques semaines à peine, « Choquez l’écoute de foc », c’était du même acabit que le « souquez les artémuses » de la fille du pirate… Approcher la voile, c’est entrer de plain-pied dans un univers narratif, où les personnages sont des archétypes, où l’on transmet son savoir en racontant des histoires. Comme celles de Guy, le vieux loup de mer taciturne toujours prêt à partager une bière à la Trinquette. Ou celles de Charlie, mon jeune instructeur du Club de voile, qui entraine avec patience et passion la relève. Ou comme celles de Pierre-Paul, ce Belge en mouillage à Baie Saint-Paul depuis quelques années, ski bum ascendant voileux. La voile est une culture avec ses croyances et ses interdits, qui permettent de remonter dans la mémoire de la navigation – ainsi, ne dit-on pas impunément « lapin » sur un voilier… La navigation est une culture riche et complexe, que je commence tout juste à appréhender et qui, déjà, me submerge de la plus belle des façons.

Alors voilà. Il en est de la voile comme de la vie : l’embarcation, la destination, la route, les équipiers peuvent changer. Il ne reste qu’à profiter du voyage, et espérer que le vent nous portera.

 

B, comme blanche.

Automne 2012. J’enseigne à Kiuna, ce collège pas comme les autres, depuis quelques semaines à peine. Pour moi, c’est la saison des nouveautés : premier vrai poste d’enseignante (à temps très partiel), première fois en milieu autochtone, première fois au régulier.

Il y avait longtemps que ma réflexion sur l’absence de relation entre les différents peuples habitant sur le territoire du Québec était en marche. Longtemps que je souhaitais faire un pas devant, aller à la rencontre de ceux qui ont accueilli les premiers blancs en Amérique, et dont les seules bribes de réalité qui arrivaient à moi étaient généralement bien peu reluisantes. On comprend que quand, en mai 2012, j’ai vu cette offre d’emploi pour travailler à Odanak, je me sois précipité pour postuler.

Automne 2012, donc. Je me fais doucement à ce Nouveau Monde dans lequel je tente de naviguer, d’éviter des récifs dont j’aperçois les contours pour une première fois. Chaque jour passé à Kiuna est pour moi un bonheur rempli de découvertes, de navigation à vue : enfin, je peux toucher à ce monde à côté duquel je vivais sans savoir comment l’atteindre.

Et puis un jour, y’a Sully, cet ado déjà homme, qui me demande : « Pourquoi tu es ici ? Je veux dire, qu’est-ce qui fait qu’une blanche vient enseigner à des indiens ? Tu vas prendre de l’expérience, et partir travailler ailleurs? »

Ça.

Ce jour-là.

J’ai compris ce qu’est d’être une représentante-malgré-moi de cette majorité écrasante. J’ai réalisé durement ce qu’est vivre l’envers de « notre » quotidien. Ici, je suis en minorité. Ici, c’est moi qui ai à être éduquée sur la réalité. Ici, c’est moi qui ai tout faux, moi qui véhicule de si gros préjugés, moi qui découvre avec stupeur que la construction sociale de mon monde reposait sur des mensonges et omissions assez ahurissants. J’ai compris que mon statut de blanche me pose en écho de toutes les générations de blancs qui sont allés vers ces peuples, bourrés de bonnes intentions (ou pas), et qui ont fait plus de mal sanglant aux peuples et aux âmes, que de bien. J’ai aussi compris que je ne savais rien d’eux, encore moins que le rien que je pensais savoir…

Parce que non, Christophe Colomb n’a pas découvert l’Amérique. Ni Jacques-Cartier le Canada. Plein de peuples y vivaient, au sein d’une architecture sociale très sophistiquée, avec une représentation du monde élaborée et une science du quotidien ancrée dans la nature. Bien entendu, ça, ce n’est que la pointe de l’asperge. Quand on ouvre cette petite porte-là, le fardeau de notre ignorance déboule sur nous. Bien entendu, la persévérance scolaire est difficile quand on force un peuple à adopter des institutions contre son gré, contre sa culture, contre sa nature. Bien sûr, l’école en français est difficile quand notre langue maternelle est l’Atikamekw, l’Innu. Clairement, être parent est un défi énorme quand les nôtres, de parents, n’ont connu comme figure d’autorité que cette sale institution sociale totale qu’étaient les pensionnats. Évidemment, les problèmes sociaux fusent quand le manque d’emploi, doublé au coût exorbitant de la vie, forcent au désoeuvrement et à l’entassement des familles dans des logements étriqués. Et de soi, quand on vit sous le joug de deux peuples qui se disent fondateurs du territoire que l’on occupe depuis toujours – qui après avoir tenté de nous exterminer, puis de nous acculturer, ne nous permettent que de survivre – on finit par introjecter tout ça. Et à ne plus s’étonner d’à quel point ces gens qui nous dominent ne connaissent rien de nous, sauf ce que dictent leurs préjugés. On s’habitue à tout, même à l’invisibilité.

Automne 2015. C’est ma quatrième rentrée à Kiuna et pour la première fois, j’y suis à plein temps. Et puis, début octobre tout déboule. Il y a eu ça. Puis ça. Je ne me suis jamais sentie aussi blanche qu’en cet automne. Jamais mes privilèges ne m’auront paru aussi indécents. Jamais je n’avais autant haï ma condition de membre de la classe dominante.

Dans cet ouragan, une chose, une seule, m’a réjoui : vous voir en discuter sur les réseaux sociaux, et crier haut et fort votre indignation, votre colère.

Avant aujourd’hui, je n’ai pas joint ma voix à la vôtre, qu’un murmure, à peine.

Pourquoi ? Parce que les femmes des Premières nations ont non seulement la pleine compétence pour parler pour elles-mêmes, mais elles sont les seules à avoir l’entière légitimité de le faire.

Alors, que pouvons-nous faire ?

Les écouter. Leur permettre d’avoir droit de cité, simplement en les laissant exister, non pas en marge de notre monde, comme un tiers-monde sur lequel on ferme les yeux, mais comme citoyennes à part entière. Bref : prendre la mesure de l’abyssal fossé que nous avons creusé entre « eux » et « nous », et nous efforcer de le remplir, quitte à le faire à la petite cuillère. Des millions de petites cuillères, ça remplit un trou plus vite que d’attendre un camion remorque qui n’arrivera jamais.

Pour ma part je souhaite à mes soeurs des Premiers peuples tout le courage et la force dont je les sais capables pour la suite du monde. Je souhaite à ceux de leurs compagnons qui n’ont reçu que la haine en héritage, de trouver la paix. Je souhaite à leurs communautés de continuer d’avancer sur cet extraordinaire chemin, cet innu mashkenu rugueux, qui les mènera là où elles décideront d’aller. Je ne peux, ni ne veux, me poser en quelconque défenderesse de cette cause qui n’est pas la mienne ; mais si je peux, si nous pouvions tout simplement choisir de leur laisser la voie libre, de leur ouvrir la porte de notre empathie, de quitter notre posture de dominance pour nous poser en accompagnateur dans l’émancipation de leurs peuples, il y aurait là quelque chose comme un grand pas.


 

Épilogue : Décembre 2015. Déjà, Val-d’Or est loin, votre indignation s’est apaisée. Parce qu’il y a eu Paris, et parce qu’il y aura Noël, nous sommes déjà retournés dans notre indifférent confort. Et pourtant, hier nous soulignions Poly.

E, comme élections

Selon toute vraisemblance, les élections fédérales seront déclenchées dans quelques jours. Nos journaux seront barbouillés d’annonces éclatantes et de petits scandales de bas étages. Sur nos écrans défileront les plus beaux sourires, et dans ma feuille de BingoCampagne, y’a des BBQ, des bébés qui pleurent, des épluchettes, des ouvriers casqués au travail, des centres commerciaux en pleine période d’achat de matériel scolaire, des sables bitumineux, une tonne de vraies affaires, une avalanche de père/mère-de-famille-contribuables-de-la-classe-moyenne, et pas mal de pieds dans la bouche.

Avec tout ça, viendront les sempiternelles jérémiades. Dans mon Bingo Vox-Pop, « C’est l’été, on n’a pas la tête à ça » va disputer le haut du pavé à « c’est la rentrée, j’ai pas le temps de regarder ça ». Mais je pense qu’encore, c’est « de toute façon, c’est du pareil au même » (ex aequo avec « y dépensent d’l’argent pour des élections qu’on s’en fout ») qui va l’emporter. Pas parce que les citoyens ne s’intéressent pas à leur avenir et à leurs dirigeants, non. Plutôt parce qu’ils croient que le passé est garant de l’avenir, en politique comme ailleurs.

Or, après la Commission Gomery, après la Commission Charbonneau, après le rapport sur les femmes autochtones disparues et assassinées, après les démissions fracassantes, après les sables bitumineux, le sénat, et les partis effacés de la carte qui tentent de renaître de leurs cendres en faisant appel à un phénix, à l’heure ou l’UPAC frappe encore et où on se demande bien ce que fera Mélanie Joly de son automne, les citoyens que nous sommes sont, comme, genre, tsé – un brin tannés.

L’écoeurement des votants a une grande sœur, au côté obscur et ravageur. Malgré la recrudescence de la tordeuse du bourgeon de l’épinette cet été, la maladie qui risque le plus de ravager notre beau coin de planète, c’est le cynisme.

Mais moi, je suis une rêveuse, une optimiste, une believer. Je pense que notre système est plein d’imperfections, vraiment pas assez proportionnel, beaucoup trop malléable par le pouvoir en place – mais qu’aussi tout croche soit-il, il fait une pas pire job. Je pense aussi qu’il faut savoir séparer les gens de leur fonction, et que le blâme à l’un ne devrait pas (toujours) entacher l’autre. Surtout, je pense que c’est en investissant les lieux de pouvoir qu’on le changera, ce système – et qu’alors on pourra proposer de nouvelles avenues.

Et pour ça, il faut se mouiller. Aller cogner à la porte des groupes qui organisent nos vies, pour leur offrir de mettre son bâton de pèlerin, son clavier ou ses pinceaux à leur disposition. C’est ce qu’on appelle l’engagement, et ce n’est pas toujours facile, comme move. C’est comme l’amour, ou la famille, quand on s’engage en politique on ne sait pas trop dans quoi on s’embarque, mais on le fait, parce qu’on y croit plus que tout, malgré les tempêtes.

Faut de l’énergie, donc, un petit front de boeuf, et un surplus d’intensité. Par surprenant que les jeunes, encore aujourd’hui, soient ceux qui plongent avec le plus de passion dans l’engagement social, qu’il soit politique ou autre – même si tout, à un moment donné, revient à la politique. Pas étonnant non plus que ces jeunes s’en trouvent marqués à jamais.

On parle souvent de famille politique.  Et quand on y pense, l’analogie est pleine de bon sens, parce que si la famille est le premier lieu d’appartenance identitaire, un parti politique, particulièrement une aile jeunesse, c’est un fabuleux lieu de socialisation, là où on apprend à être au monde selon une certaine culture ; là où s’inscrivent en nous un certain rapport à l’autre et au groupe, des codes, un langage; là où se créent des mythes, où se vivent les rites, où naissent et meurent ces héros qui façonnent notre imaginaire encore souple ; là où nous choisirons d’être, ou pas, des hérauts. Pour le meilleur, ou pour le pire.

Pour le pire diront ceux qui croient que la fin de l’adolescence est peut-être un moment trop précoce pour apprendre que le monde est un vaste jeu d’échecs, où on peut jouer les  humains comme des pièces stratégiques.  Que le pouvoir peut-être une fin en soi, dont l’atteinte à elle seule justifie ces trahisons que la jeunesse fait ressentir si intensément. Que d’apprendre une langue javellisée peut bien attendre quelques années. Que tout meilleur porte en lui son pire.

Pour le meilleur, surtout. Militer dans une aile jeunesse d’un parti politique, c’est apprendre pas à pas le fonctionnement de nos institutions démocratiques, dans un contexte propice (même si le surusage des réseaux sociaux rend mon affirmation un peu caduque). C’est découvrir un bout de province/de pays/ de planète. C’est se faire des amis-pour-la-vie, parce qu’avec eux nous aurons vécu le meilleur de nos vingt ans –  parce que le militantisme fait la flamboyante démonstration de ce que permet la solidarité, qu’à 10 on est bien plus fort que seul et qu’à 100, on peut tout faire.

Mais surtout, la politique nous apprend que de se battre pour ses idées, même dans une ère de conformisme, de défendre ses valeurs et surtout, de prendre la parole au nom de ceux qui ne peuvent / n’osent le faire, c’est grand. C’est beau. C’est émouvant. Elle nous apprend la rhétorique, au sens noble du terme ; la rigueur, cette idée de bien faire les choses que l’on confond à tort avec le perfectionnisme ; l’esprit de corps, cet endroit particulier où l’on fait ensemble les tranchées, desquelles on ressort épuisés mais ravis d’avoir remporté une manche, sinon la bataille. La politique, ça nous apprend à former des alliances, et à les voir se dissoudre. Ça nous apprend aussi que parfois, que souvent même, on perd, et que la défaite est souvent cruelle, parfois injuste. Que si la défaite est aux mains de l’ennemi, on doit apprendre de lui ; que si elle est à l’avantage d’une faction de notre camp, on doit se rallier – quitte à continuer la discussion derrière les portes closes. La politique, même dans ses ailes jeunesse, nous apprend que le choix de ses alliés est aussi important que celui de ses ennemis et que de se mettre à dos quelqu’un de notre camp est bien plus douloureux que toutes les jambettes de l’ennemi.

La politique peut être enivrante pour qui aime le pouvoir.  Elle peut l’être tout autant pour qui croit en la solidarité. Et quand les deux sont réunis, il peut se passer quelque chose de fantastique:

on peut changer le monde.

Allez. Signez ici, on vous attend.  Venez bien préparés, venez avec vos idées, votre coeur, votre passion. À Go, on change le monde.

Et il semble qu’on aura onze semaines pour le faire.

 

 

5, comme 514

Dans une récente entrevue à propos de son livre relatant son expérience chez Wal-Mart, Hugo Meunier a répondu à une journaliste que le monde des médias oublie souvent qu’il ne s’adresse pas à un bloc monolithique, et qu’il ne doit pas perdre contact avec ceux vivant des réalités différentes.

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Bien sûr, j’ai un peu sauté de ma chaise parce que oui, je trouve que le monde des médias oublie souvent qu’il existe un monde hors du 514.  Centré sur sa réalité, il se rappelle de nous que pour de rares exceptions – soit un spécial « villages gourmands », un cahier « Chalets et villégiature » ou un papier « solidarité régionale » – et sinon quand il pense à son auditoire hors du 514, c’est en le prenant pour un demeuré resté au 19e siècle.

J’ai d’ailleurs plus d’une fois entendu des journalistes se rappeler à voix haute qu’il ne faut pas négliger ce qui se passe de l’autre côté des ponts, et souvent est revenue la même expression : « qu’est-ce qu’en penserait Mme Laframboise du rang 5 à St-Loin ? ».

Je suis Mme Laframboise, j’habite sur le 5e rang de St-Loin. Je suis candidate au doctorat en administration, et mes voisins d’à côté sont lui ingénieur, elle prof en adaptation scolaire. Ma voisine d’en face – qui est allée en Chine l’an dernier – est une travailleuse sociale à la retraite, et sa fille psychologue vit en diagonale.

Contrairement à Montréal, St-Loin n’hésite pas à voter pour une femme à la mairie, et ma 4e voisine au Nord, mairesse de son état, est aussi une retraitée qui a été gestionnaire de haut niveau dans des grands projets. Ben oui c’est vrai, il y a aussi de la villégiature – j’ai d’ailleurs une collègue au doctorat, également olympienne, qui a un chalet à St-Loin.

On a Internet, aussi. On a des tablettes, des ordis, pis toute. On lit la même presse qu’à Montréal, et on écoute la même télé. J’ai acheté ma maison d’un syrien dont la famille avait deux maisons à St-Loin, et le maire de la grand’ville pas loin est de descendance égyptionne, c’pour dire…

Et non, ce n’est pas un épiphénomène (même « épiphénomène » se rend chez nous !). Je pourrais vous parler de St-Creux, pas trop loin, qui par la beauté des paysages et – qu’on se le dise – le bas prix des maisons, attire de jeunes familles. Je pense à mes trois amies qui y sont : une est intervenante psychosociale et comédienne ; une autre, après sa technique en éducation à l’enfance et son cours de patroniste a décidé de devenir magicienne ; et la troisième est auteure à succès en littérature jeunesse.

Et il y a de l’art, aussi. Des petites salles de spectacles, qui font que j’ai vu Beast, Lisa Leblanc, Misteur Valaire à 4 pouces d’la face. De la sculpture en plein air. Du land art. Y’a même un gars des French B qui a ouvert une galerie d’art à 17 minutes de chez nous.

Ce que je vous raconte, ça ne se passe pas seulement chez moi. J’ai des amis en Abitibi, au Sag/Lac et en Gaspésie : ils vivent sur la même planète que moi, la même réalité que moi. Sont hot, le monde des régions, j’trouve. Pris pour survivre par leurs propres moyens, z’ont pas le choix de s’ouvrir au monde. Pas pour rien que le premier député Noir, c’est en Outaouais qu’il a été élu, le premier maire noir en Abitibi, et que les mairesses, députées  et femmes d’affaires sont légion, en région.

On a même des restos indiens, libanais, cambodgiens –dans le village à côté du mien, y’a un vrai de vrai Espagnol qui fait de la vraie de vraie Paëlla, et un peu plus bas, y’a une madame chinoise qui vend de saprément bons rouleaux dans son dépanneur !  On vit tellement sur la même planète, qu’on va sur les réseaux sociaux, aussi. Y’a une fille que je suis qui a twitté un vêlage récemment, c’était vraiment cool. Et pis, je sais, ça va vous jeter à terre, mais on fait même du jogging – et il paraitrait qu’y’en a qui mangent sans gluten, mais là, faudrait pas pousser, j’ai pas vérifié…

Mais oui, il y a des différences entre Montréal et Saint-Loin. Y’a pas de Starbuck, c’est vrai, même si Rose Drummond fait des lattés qui accotent toute compétition. Et oui, pour nous la campagne, ce n’est pas une gang de restaurateurs barbus qui débarquent le temps d’un week-end, pour respecter le produit : c’est un mode de vie. Pis la vraie campagne, ben des fois ça pue, c’est laid, pis y’a des moyens morons qui se promènent en quatre roues sur le rang à pas-d’heure. Et oui, on travaille plus dans des shops et moins dans des « espaces collaboratifs », on a plus de pick-up et moins de Vespa. Non, nos épiceries sont pas comme celles du Plateau, c’est pour ça qu’on aime tant Ricardo et Marilou : on a pas besoin d’aller à Montréal faire une épicerie pour cuisiner leurs recettes.

Faque Madame Laframboise du rang 5 à Saint-Loin, elle a évolué. Elle vit en 2015, comme tout le monde.

Par contre, la façon qu’ont les médias de l’appréhender, elle, est restée coincée quelque part au dernier millénaire.

p.s.: je conseille à tous Un sociologue à l’usine de Donald Roy.  L’auteur pose un regard plein de respect sur un monde qu’on pourrait croire éloigné du sien. On en sort en se disant que finalement, que nous ayons le sort du monde ou d’un boulon entre les mains, nous avons tous face à notre travail les mêmes réactions, défis, angoisses, bonheurs. Ce qui semble, selon les entrevues que j’ai entendues, étonner franchement M. Meunier. Or – et ceci est un éditorial – c’est se placer un peu haut que de s’étonner qu’un emploi chez WalMart puisse provoquer du stress. Le désir de performance, l’ambition et l’amour du travail bien fait n’existe pas qu’en complet-veston.

Poutine!

Une bonne poutine. Que dire de plus !

Quand on tente soit de soigner notre alimentation, soit d’en éliminer les produits animaux, la poutine devient un lointain souvenir inaccessible. Je vous offre donc ma recette, facile à réaliser, satisfaisante – mais pour la ligne, ça reste de la poutine, hein !

 

Ingrédients

Sauce:

(pour 3 ou 4 poutines, selon que vous soyez type sauce ou pas)

  • Deux tasse de faux bouillon de poulet ou de boeuf
  • 1/2 tasse de sauce tomate
  • 1/4 de tasse de vin rouge
  • Une barquette de champignons
  • Une ou deux cuillères à soupe de farine
  • Oregan, herbes de provences, sel, poivre, sauce soya.

 Autres:

  • 1 grosse pomme de terre par personne
  • Fauxmage (j’utilise du Daiya orange, parce que… heu… parce que je l’aime.)
  • Huile d’olive

Préparation

Brossez les pommes de terre, et coupez-les en format frite. Déposez-les dans un bol, ajoutez un peu d’huile d’olive et du sel, et bien mélanger. Laissez la préparation reposer quelques minutes.  Disposez les frites sur une plaque recouverte de papier parchemin, et enfournez à 375. retournez les frites après une quinzaine de minutes, et poursuivre la cuisson jusqu’à tendreté des frites.  Le temps varie des pommes de terre utilisées, et du temps de l’années (les pommes de terre nouvelles sont plus longues à cuire). Une fois cuites, épongez le surplus d’huile sur des papiers essuie-tout ou du papier kraft.

Coupez les champignons finement. Dans une poêle profonde, les laisser tomber avec un peu d’huile, à feu moyen et à couvert, pour qu’ils expriment leur jus. Saupoudrez la farine, bien mélangez, ajouter le bouillon et augmentez le feu. Lorsque les premiers bouillon commencent, ajoutez le vin, la sauce tomate et les épices, au goût (je mets de la sauce soya pour donner une teinte plus foncée à la sauce). Laissez bouillir quelques minutes, puis baissez le feu à moue. Laissez épaissir jusqu’à consistance désirée.

Montez votre poutine. Ici, les théories varient : on met le fromage sur le dessus avant ou après la sauce ?  On met du fromage en dessous ?  À vous de choisir.  Bon appétit !

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